Elle n’est pourtant pas et n’a jamais été une société secrète, mais des habitudes de discrétion sont bien ancrées parmi ses membres.
Ces habitudes de discrétion datent notamment en France et en Europe occidentale des persécutions subies par les Francs-Maçons durant la deuxième guerre mondiale. Il en va tout autrement dans les pays de culture ou de tradition anglo-saxonne où il est banal d’afficher son appartenance à l’ordre maçonnique.
Mais cette discrétion intrigue toujours et nourrit bien des fantasmes, bien que les recherches historiques récentes aient pourtant levé le voile sur la plupart des interrogations qui pouvaient persister quant à son origine et sur son histoire.
Il est maintenant bien établi qu’e la Franc-Maçonnerie est apparue à la fin du quatorzième siècle sous une forme bien différente de ce qu’elle est devenue aujourd’hui.
Il s’agissait alors d’une confrérie d’ouvriers bâtisseurs qui, à l’époque où rares étaient ceux qui savaient lire et écrire. Ils se faisaient reconnaître et embaucher sur les chantiers en communiquant un mot et un attouchement qui leur avaient été transmis et par lesquels ils pouvaient donc témoigner de leur connaissance du métier. Une sorte de déontologie avant la lettre, de code de bonne conduite, qu’ils respectaient faute de quoi ils auraient été exclus de la corporation, précisait les règles qu’ils avaient fait serment de respecter : les « Old Charges » ou « Anciens Devoirs » dont les plus anciens qui nous soient connus datent des dernières années du quatorzième siècle.
Les apprentis devenus compagnons de métier pouvaient ainsi trouver du travail sur les chantiers que dirigeaient les maîtres responsables de la construction d’édifices, le plus souvent religieux, en montrant qu’ils étaient dépositaires du « mot du maçon » qu’ils n’auraient communiqué sous aucun prétexte à quiconque n’ayant pas eu la même formation qu’eux. C’est là qu’il faut voir l’origine historique du secret maçonnique.
Avec la fin des grands chantiers au dix-septième siècle, notamment liée à la Réforme, cette corporation de métier s’étiolait progressivement et ses membres prenaient l’habitude de recevoir en son sein des personnalités extérieures au métier qui étaient susceptibles, par leur état aristocratique ou leur fortune, d’en assurer la pérennité relative. Cette transition de la maçonnerie de métier originelle, dite opérative, vers une maçonnerie d’acceptation est attestée en Ecosse et dans le Nord de l’Angleterre.
En 1717, à Westminster, plus probablement en 1721 selon les dernières recherches historiograpiques, trois de ces modestes loges maçonniques qui végétaient tant bien que mal se réunirent pour former la première Grande Loge. Ceci donnait le coup d’envoi à ce que l’on appelle aujourd’hui la Franc-Maçonnerie moderne ou spéculative. Les raisons du succès et de l’expansion remarquablement rapide de ce phénomène tant dans les îles britanniques que sur le continent restent mal connues. Néanmoins il est attesté que son principal artisan est un savant et pasteur anglican, Jean-Théophile Desaguliers, fils de pasteur protestant français que les projets de révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV avaient fait quitter la Rochelle pour l’Angleterre. Desaguliers trouvait dans cette ancienne Franc-Maçonnerie qui s’étiolait une structure susceptible de diffuser les idées nouvelles, tant philosophiques que scientifiques, dont son maître Isaac Neewton était le fer de lance et la toute nouvelle Royal Society le creuset.
Dans un esprit de tolérance religieuse et d’ouverture intellectuelle se développait ainsi la Franc-Maçonnerie que nous connaissons aujourd’hui, lieu de reflexion et d’amélioration collectives entre gens de bonne volonté.
En 1723 puis 1736 les constitutions de cette franc-maçonnerie moderne, dite spéculative, étaient fixées qui, toujours en vigueur dans les obédiences traditionnelles et régulières comme la nôtre, en établissent les règles (ou landmarks) en rappelant ce que doivent aux origines opératives les francs-maçons acceptés d’aujourd’hui.
Ainsi le secret maçonnique n’est-il plus comme jadis la garantie de la qualité professionnelle du maçon de métier mais s’est-il déplacé pour devenir un secret d’appartenance (à l’ordre maçonnique), condition nécessaire à la recherche de l’amélioration de soi-même sans se prévaloir d’une distinction personnelle ou d’une quelconque supériorité.
Le secret maçonnique, dans sa forme actuelle, impose également à tout franc-maçon de garder pour lui ce qu’il a vécu dans le cadre des cérémonies initiatiques, non pas pour cacher quelque activité coupable, mais tout simplement pour ne pas déflorer ce que d’autres pourront être amenés à découvrir eux-mêmes dans cette voie qui, par ailleurs, reste propre à chacun quant aux effets produits même si elle est collective et partagée dans son mode opératoire.